Des petites phrases courtes ma chérie

Un magifique corps à corps joué et dansé entre Céline Agniel et Odile Azagury, pour évoquer les combats de la dignité.

Dans l’espace-temps hors du monde d’une maison de retraite, une femme nous convie à une ultime visite à sa mère. En s’adressant directement au public, elle nous invite à partager leur intimité, dévoilant la complexité de leur relation et l’ambivalence de ses émotions face à l’angoisse d’une disparition inéluctable. Dans un va-et-vient entre complicité et défiance, se déplient les strates du quotidien de la maison de retraite, où se déclarent des sentiments aussi cruels qu’infiniment tendres et où s’incarnent l’emprise de la vieillesse et l’apprentissage de la séparation.

En filigrane, la différence de classe : la fille est une autrice reconnue du monde littéraire dont la mère, une ancienne institutrice issue du monde paysan, se méfie. Car la femme qui s’adresse à nous témoigne aussi de son travail d’écriture, comme si elle parlait depuis les pages d’un journal intime qui aurait perdu ses repères. Comment écrire sur sa propre mère sans la trahir ? Comment raconter la fin de sa mère avec pudeur et sincérité ?

En accompagnant sa mère vers ce qui l’éloigne de plus en plus du monde des vivants, la fille contemple en toute lucidité l’image de son propre vieillissement. Que reste-t-il de la féminité lorsque le corps se défait, lorsque les rôles s’inversent ?

Miroir sans fioriture des liens filiaux, cette ultime visite nous parle de l’héritage énigmatique et joyeux, profondément charnel, entre mère et fille, de la dignité d’un combat mené jusqu’au bout. C’est un témoignage sensible et tourmenté de la survivance des êtres, à partir de l'oeuvre de la regrettée Pierrette Fleutiaux.

Crédits photos : Tristan Guerlotte.