La Luzège et Champ Libre

Ils avaient tout à construire ensemble, et les collectifs de La Luzège (Corrèze) et Champ Libre (Haute-Vienne) ont visé haut : l'oeuvre méconnue mais passionnante de l'auteur germanophone du début du XXe siècle Ödön von Horváth.

L’histoire, c’est celle d’Elisabeth dans Foi Amour Espérance, jeune femme en recherche d’emploi. Elle veut être indépendante. Être son propre maître. Elisabeth traverse le monde et les humains, armée de son seul sourire, de sa bonne volonté, et de son refus d’abandonner. Elle semble être le seul personnage sensé. C’est son chemin que trace le spectacle. Une « révoltée de la société », qui essaie tant bien que mal de s’y faire une place, de combattre l’injustice et de conserver son honneur.

Par un jeu de chassé-croisé, sur sa route, des personnages de Figaro divorce et Casimir et Caroline feront des apparitions fugaces, le temps de quelques scènes. Leurs parcours viennent s’entrechoquer : après tout, ils vivent dans le même monde, dans une même époque : la nôtre. Chez Horvath, c’est le contexte social qui dicte sa conduite au peuple.

Foi Amour Espérance n’est pas une pièce historique. Quand la misère s’abat sur lui, quand le racisme s’institutionnalise, quand chacun se bat pour son bout de gras, quand la peur du lendemain empêche de s’imaginer un avenir, les gens changent. Les rapports changent. L’égoïsme, la peur de l’autre et le profit personnel dominent ; la générosité et l’entraide sont des mots risibles et tout se fissure, même l’amour.

Ödön von Horváth a écrit dans un contexte de montée des fascismes et d'avènement des régimes criminels du XXe siècle, il note les discrets changements sociaux parmi le peuple qui signalent l'évolution malsaine. Son écriture et son regard sont glaçants d'actualité, et ces jeunes talents décident d'y jeter leur force artistique. Etonnant et captivant.

Crédit photo : Charles Meillat.