Patty's got a gun

Après leur fascinante et jouissive réinterprétation du mythe de Judith Shakespeare, les jeunes artistes de la Cie Okto s'attaquent à la question des radicalités féminines.

1974. La jeune Patricia Hearst, petite-fille du richissime William Hearst, alias Citizen Kane, est enlevée par l’ALS. Ce groupe d’activistes réclame à Randolf Hearst, père de Patricia et magnat de la presse, la distribution de l’équivalent de 6 millions de dollars en vivres aux foyers les plus pauvres de Californie. Mais après quelques semaines de captivité, Patricia renie sa famille, change de nom et embrasse la cause de ses ravisseu.r.euse.s S’agit-il d’un "Syndrome de Stockholm" ou d’un réel engagement ?

La compagnie Okto se saisit du fait divers pour explorer le stigmate d’une époque agitée, celle des années 1970, et la faire entrer en résonance avec l'angoisse du désordre social actuel. Elle crée une bascule : Patty Gholorré, fille de Vincent Gholorré, devient l’héroïne du feuilleton médiatique et politique de son propre enlèvement. Avec Patty, le public entre dans l’intimité de ses ravisseuses : Ulrike, Gudrun, Nathalie et Assata. Forgée dans l'expérience de la violence, cette intimité donne naissance à une réflexion, à une parole et à une insurrection.

La troupe propose une réécriture pop et poétique de ce fait historique. Mêlant deux époques et jouant avec les anachronismes, Patty's got a gun devient une fable médiatico-politique qui réinterpréte l'Histoire à partir du point de vue de ces femmes. Hantées tour à tour par les fantômes de leurs héroïnes Gudrun Enslinn, Ulrike Meinhof, Nathalie Ménigon et Assata Shakur, les jeunes militantes interrogent avec humour leur pouvoir d’action et de révolution.

"Rire est un besoin vital dans cette époque peu encline à nous inspirer de l’espoir. Alors comment faire pour ne pas reproduire des mécanismes de domination ou d'oppression ? C’est pourquoi j’essaie d’écrire des pièces où l’humour change de cible et vise ailleurs. Tout comme Levez-vous pour les bâtard.e.s, Patty’s got a gun ne fera pas rire tout le monde et c’est tant mieux : il est temps de changer nos référentiels et de sortir de nos rassurants placards". Laora Climent.

Au centre, autour, sur et au sein d'une scénographie à l'esthétique industrielle, les performeuses d'Okto déclament, dénoncent, s'affrontent, s'aiment, dans des univers musicaux où se croisent Starmania, chants militants, Michel Polnareff et Patty Smith, bien sûr. Une pièce vivante, qui expose la vitalité d'un théâtre libre et revendicatif.

Crédits photos : Chloé Tocabens et Cie Okto.